À travers la crise sanitaire, nous avons toutes et tous vécu – et nous vivons encore – une situation exceptionnelle mais ô combien alarmante ! En effet, en quelques jours, nous sommes passés de l’insouciance à l’incrédulité et, ces tout derniers temps, à une forte inquiétude, voire une sidération. Edgar Morin, dans son essai « pour changer la civilisation » a, par sa clairvoyante lucidité, prédit ce qui aujourd’hui nous advient et met en péril la communauté humaine : la distanciation entre progrès technologique et progrès humain.
Notre société affiche ainsi sa vulnérabilité et nous voilà au bord de « l’accident intégral » tel que Paul Virilio l’avait annoncé.
Cette crise du Covid-19 illustre avec fracas ce dilemme. Je ne sais, comme vous, ce qu’il adviendra, tant de notre santé physique, psychique, que de ce que je qualifie d’accessoire, mais attentatoire : l’économie débridée qui privilégie le profit plutôt que la personne.
Cette crise sanitaire porte une ombre funeste sur notre avenir, avenir qui par nature est paré du droit inaliénable de nous surprendre. Ainsi est l’avenir… Peu disert, discret, facétieux, parfois inquiétant, et les portes qu’il entrouvre sont, pour certains, un terrain d’anticipations et, pour d’autres, un champ d’opportunismes ! Avenir, cet inconnu, inéluctablement attendu, que nous ne pouvons appréhender ni par raison, ni par spéculation… Avenir, qui nous invite et nous convie à comprendre, il en est de son charme.
Toute vie réelle, au travers de laquelle nous édifions notre sécurité ontologique aspire au rêve, à un élan de conquête de soi, et ce pour le bien commun, celui d’un récit collectif. Notre époque, celle du « tout expliquer » du « tout démontrer » s’enivre des progrès technologiques dopés par une course à la croissance autant indéterminée qu’infinie. Là grandit ce fossé qui creuse toujours plus les inégalités.
Nous avons cru que nous évoluions dans un monde maîtrisé, mais cette crise sanitaire lève le voile d’un cortège chargé d’hébétudes et de douleurs. Symétriquement et simultanément, elle nous interpelle, nous réveille et nous contraint, nous incite à refonder une humanité, à écrire un pacte humain, pour le commun, un pacte de la bienveillance. Pouvons-nous nous y résoudre ?
L’imagination précède l’action, l’avenir est donc une fiction, à défaut, c’est une condamnation.
Il y a un an, nous avons éclairé une scène à Menton, lors des premières Journées de l’Architecture en Santé. Lors de cet évènement, nous avons tous manifesté notre attachement aux autres en livrant avec enthousiasme nos convictions pour un soin adressé, attentif et généreux. Bousculée par cette crise du Covid-19 qui nous incarcère, la deuxième édition des JAS est l’opportunité de réitérer que le soin est – et reste – un bien inaliénable, et que son parcours ne se régule pas par la fausse magie d’un tableur Excel…
Assenons avec obstination, encore et toujours, que ce « modèle ultra gestionnaire » réduit aux acquêts, assèche toute bienveillance, toute humanité.
Je vous souhaite toutes et tous la bienvenue à Menton à l’occasion de cette Deuxième Édition des JAS. Forts de notre enthousiasme et de notre inextinguible générosité, nous devons profiter de ce rendez-vous pour affirmer avec conviction que rien n’est inéluctable !